Un avion français améliore le record de la traversée de l’Atlantique en monomoteur

Un TBM 930 de Daher-Socata, construit à Tarbes, a mis presque une heure de moins que le précédent record pour relier New York à Paris. Posés après 8h36 de vol, ils ont détrôné le précédent record établi par le légendaire Chuck Yeager. Ce record sur les traces de Lindbergh vient confirmer que plus de 30 ans après sa naissance à Tarbes, le TBM reste un avion exceptionnel et toujours innovant, ainsi que l’a rappelé le TBM 940 présenté cette semaine.
Par Thierry Vigoureux

Ils l’ont fait ! L’Atlantique en monomoteur, ce qui reste toujours une aventure, passé le point de non-retour. Mais si Lindbergh il y a bientôt 82 ans avait mis 33 heures et 30 minutes entre New-York et Paris-Le Bourget, Dierk Reuter et Phil Bozek auront volé un peu plus de… quatre fois plus vite afin de battre le précédent record de vitesse, vieux de 34 ans.

La route aérienne transatlantique sans escale avait été ouverte les 20 et 21 mai 1927 par Charles Lindbergh, seul à bord du Spirit of St. Louis. Il avait décollé de l’aérodrome Roosevelt à Long Island, près de New York. Et 33 h 30 plus tard, il atterrissait au Bourget au nord de Paris, à 5 800 kilomètres de la Grosse Pomme.

C’est en équipage que deux pilotes, Dierk Reuter et Phil Bozek, sont partis samedi à 0 h 02 (heure locale ou 6 h 02, heure de Paris) de White Plains/Westchester County, un des aérodromes d’aviation générale situé au nord de New York. Et 8 h 36 plus tard, ils atterrissaient au Bourget à 14 h 38 avec leur TBM 930 N444CD (immatriculé aux États-Unis). L’avion est toujours un monomoteur à hélice, mais propulsé cette fois par une turbine de 850 chevaux, alors que celui de Lindbergh faisait appel à un moteur à pistons Wright de 223 chevaux. Lindbergh avait payé à l’époque son avion 6 000 dollars (environ 85 000 dollars aujourd’hui).

Cet avion TBM de six places, produit à Tarbes par Daher-TBM, descendant industriel de Morane-Saulnier, est, de fait, le plus ancien constructeur aéronautique du monde encore en activité aujourd’hui. Ainsi, le Morane-Saulnier Type L « Parasol », nom inspiré par la forme de son aile, développé en 1913, ouvre une longue lignée d’appareils militaires ou de records, comme celui de la traversée de la Méditerranée par Roland Garros, puis, en 1959, l’avion-école Rallye rejoint les flottes des aéro-clubs. Le TBM, avion d’affaires dont le pilotage reste accessible à un propriétaire averti, est apparu en 1990 avec le TBM 700. Aujourd’hui arrive la sixième génération avec le TBM 940 et bientôt un millier d’appareils en service dans le monde.

Près de mille TBM ont été vendus dans le monde.

Les pilotes Dierk Reuter et Phil Bozek ont travaillé pendant près d’un an avec les autorités et des fournisseurs d’équipements des deux côtés de l’Atlantique pour préparer la tentative de record de vitesse de la catégorie C1e (avions à turbopropulseurs avec une masse maximale au décollage inférieure à 6 000 kg) de la Fédération aéronautique internationale (FAI), l’instance internationale qui homologue les records aéronautiques et astronautiques.

Présent à leur arrivée au Bourget, Jacques Lemaigre du Breuil avait déjà établi un record transatlantique seul à bord d’un TBM 700 traversant à la vitesse moyenne de 287 nœuds (531 km/h) il y a quinze ans. « La vitesse maximale possible sur cette première version du TBM était de 295 nœuds en montant au maximum à 21 000 pieds (environ 7 000 mètres) d’altitude. Le TBM 930 avec une turbine améliorée vole plus vite à 330 nœuds et plus haut à 28 000 pieds », note le titulaire du record de 1994. Le gain en altitude permet de bénéficier de vents favorables plus puissants. Ces courants, circulant d’ouest en est au-dessus de l’Atlantique, expliquent pourquoi les vols commerciaux en provenance d’Amérique du Nord arrivent souvent en avance en Europe (et inversement). La situation météo était particulièrement propice cette semaine avec des tempêtes d’ouest, même si les premières heures ont été difficiles avec du brouillard givrant jusqu’à Terre-Neuve. La vitesse moyenne est de 369,5 nœuds.

Le précédent record FAI était détenu par un appareil biturbine Piper Cheyenne. Le 4 juin 1985, le célèbre pilote d’essai américain Chuck Yeager avait traversé en 9 h 25 avec un Piper Cheyenne 400 LS et était arrivé au Bourget à l’occasion du salon aéronautique. Il a battu de nombreux autres records de vitesse mondiaux. Yeager a été le premier pilote à franchir le mur du son en 1947.

Les profils de Dierk Reuter et de Phil Bozek sont typiquement ceux de la majorité des propriétaires de TBM outre-Atlantique. Ce sont des hommes d’affaires ou des traders qui, ayant réussi, peuvent se payer un avion sophistiqué de plus de trois millions de dollards, mais qui ne veulent pas renoncer au plaisir du pilotage en faisant appel en permanence à un professionnel. Leur niveau d’expérience est en général élevé. Reuter, 58 ans, est un expert financier, établi à Chicago, propriétaire-pilote d’un TBM 930. Son carnet de vol compte 4 500 heures, dont la moitié sur TBM lors de déplacements dans un grand nombre de pays – y compris un voyage en Antarctique en janvier dernier. Bozek, 31 ans, est un entrepreneur et un investisseur immobilier basé au Michigan. Il est l’un des plus jeunes propriétaires de TBM. Malgré son jeune âge, Bozek a déjà accumulé plus de 3 400 heures de vol (dont 800 dans son TBM 900). Cet aviateur passionné pratique fréquemment la voltige aérienne et le vol en formation sur les avions de collection qu’il possède.